L’Alliance irrévocable, écrits sur le judaïsme

L'Alliance irrévocable. ecrits sur le Judaïsme. Michel de Goedt, 2015Père Michel de Goedt
Edition du Carmel – 2015. 2847133186

Présentation SIDIC : Le Père Didier-Marie Golay, ocd, a rassemblé vingt-neuf textes du P. Michel de Goedt, sous le titre L’Alliance irrévocable, écrits sur le judaïsme. M. de Goedt avait choisi pour nom religieux Michel-Marie de la Croix, dans le sillage de l’un des maîtres spirituels de l’Ordre des Carmes Déchaux : Jean de la Croix. Il partage avec lui cette expression mystique particulière de la foi : la poésie. L’ouverture se fait sur un rapprochement de dates : 20 janvier, illumination d’Alphonse-Marie Ratisbonne et, un siècle plus tard, réunion des nazis à Wannsee pour y décréter la « solution finale » ; de même le 16 juillet, fête de Notre-Dame du Mont Carmel et la rafle du « Vel-d’Hiv ». Il donne la clé spirituelle de ces coïncidences :

Seul, Satan,
de ces jours de lumière a fait nuit et brouillard…

L ’Alliance irrévocable rapporte les interventions de la remise du prix de l’AJCF, reçu en 2005. Deux phrases du Grand Rabbin Gilles Bernheim montrent la proximité à laquelle M. de Goedt était parvenu dans son dialogue avec les Juifs :

« … pour avoir découvert… de manière si juste, si profonde, si délicate, que la question juive était la question des questions, et pour avoir alimenté cette flamme tout au long d’une vie, le Père de Goedt mérite notre gratitude, à nous Juifs, et nous lui disons ce soir notre reconnaissance. Que ces quelques mots, …, vous disent…, cher Michel, combien nous vous aimons. »

Ce dernier répondit par un témoignage sur son enfance :

« … ma mère, … portait, au péril de sa vie, des lettres provenant de la zone libre et envoyées à leurs familles par des officiers ou de simples soldats… J’entends encore ma mère dire : à la différence de l’accueil de méprisante ingratitude de presque toutes les grandes familles du textile du Nord, les familles juives m’accueillaient toutes avec une infinie et respectueuse gratitude  “comme le Messie”… Ce souvenir … est devenu, à travers les relations que Dieu m’a donné de nouer avec les juifs, comme la matrice de ce qui habite le cœur de ma vie et qui me rend attentif à la présence souvent cachée dans les propos, les actes et les décisions, de ce qui provient de jugements, de sentiments et d’a priori sur les juifs. »

En scrutant les Écritures, porte sur les rapports entre Premier et Nouveau Testament. Puis sur une analyse de Rm  9-11, qui inspira le § 4 de Nostra Aetate ; ce qui frappe, c’est la profondeur de cette méditation antérieure au Concile. Enfin, M. de Goedt s’interroge sur la judéité de Jésus et sur L’Eucharistie, repas juif qu’il conclut par une vision lumineuse, reçue en grâce : « À leurs tables encore séparées, Juifs et chrétiens attendent le jour béni de Dieu où Abraham, magnifique d’hospitalité, avec Isaac et Jacob-Israël, les accueillera ensemble à sa table. »

Suivent soixante pages de Réflexions théologiques : Terre d’Israël, terre des Palestiniens, qui analysent les deux identités en contestation, et la terre… non pas un droit mais un don ;  puis, dans un texte sur la Communauté chrétienne hébraophone en terre d’Israël, il s’interroge, en tant qu’exégète et théologien ayant vécu en Israël pendant douze ans, sur l’attribution du titre de peuple de Dieu,

Autour de la Shoah est une méditation clairvoyante et audacieuse qu’il qualifie de «  balbutiement d’une parole. » La partie finale affronte La douloureuse question du Carmel d’Auschwitz qui faillit réduire à néant les liens renoués entre juifs et chrétiens. Sa Lettre ouverte aux carmélites du monastère installé à Birkenau est un modèle de lucidité et de délicatesse.

Le P. M. de Goedt apparaît comme l’une des grandes lumières de l’Eglise pour le dialogue judéo-chrétien, et cette  publication est une grâce à méditer.