Réalisation : Virginie Linhart
Cinétévé, 2009
Analyse SIDIC : Sur 75 700 déportés juifs Français dans les camps nazis, moins de 2 500 sont revenus. Virginie Linhart en a interrogé une dizaine, déportés entre 1942 et 1944. Ceux-là ont pu affronter la vie « retrouvée », et ne se sont pas suicidés comme bien d’autres. Ils racontent sous la caméra ces retrouvailles avec la vie. Tout d’abord le retour en France, en wagons de marchandises, sur la paille, alors que les Résistants rentrent en places assises… L’arrivée à la gare, où ils voient les mêmes autobus dans lesquels ils sont montés pour partir, mais qui, cette fois, les ramènent, « et peut-être avec les mêmes chauffeurs », suggère un déporté. Ils décrivent précisément leur prise en charge, à l’Hôtel Lutetia ; celle-ci précède leur retour vers leur famille, si elle existe encore en partie, ou vers le travail.
Les témoignages redisent un phénomène maintenant bien connu : à la Libération, nul n’avait envie d’entendre cette histoire infernale. L’Histoire et les histoires seront tues, au moins jusqu’en 1967, alors qu’Israël sort victorieux de la Guerre des Six Jours. Désormais, le peuple Juif méritera plus de considération de la part de l’opinion publique…Dès lors comment ont-ils pu vivre dans leur silence ? Les témoignages concordent : c’est la rencontre d’un compagnon ou d’une compagne, puis éventuellement la naissance d’enfants, qui a permis la vraie réconciliation avec la vie.
L’intérêt du documentaire est en outre de montrer des individus issus de milieux sociaux très différents. Alors que certains reprennent de brillantes études, d’autres s’en vont à la recherche d’un premier emploi, que l’on trouve facilement dans ces années de reconstruction. Le documentaire rend bien sensible que la difficulté de la vie fut la même pour tous les Français : les déportés juifs n’ont eu aucun traitement de faveur, les pensions n’arriveront que bien plus tard. Mais à la différence des autres Français, eux étaient pour la plupart sans famille, eux revenaient de l’enfer et devaient garder leur histoire pour eux. Confrontés aux familles qui recherchent leurs disparus sans les retrouver, les rescapés ont pu également être soupçonnés d’on ne sait quelle collaboration…
Les récits se recoupent et se complètent dans un ordre chronologique et thématique. La facture du documentaire est très classique, et les interviews sont illustrés d’images d’archives. Sans apporter à l’historiographie d’éléments vraiment nouveaux, le documentaire apporte quelques précisions intéressantes, et souligne bien à quel point la reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État Français dans la déportation des Juifs ainsi que les excuses faites aux victimes, a été tardive. On peut regretter que la voix-off ne mette à aucun moment ces retours à la vie en perspective du nombre de suicides des déportés ayant échappé à la mort dans les camps. Néanmoins les récits détaillés dont le documentaire rend compte sont d’un grand intérêt.
Ce film est téléchargeable sur le site de l’INA