Lettre du dimanche : 27e dim ordinaire B

Auto-portrait avec famille. P. Konchalovsky, 1917

L’homme s’attachera à sa femme… Laissez venir à moi les petits enfants… Il les embrassait et les bénissait…

 Dimanche des «liens familiaux»

En Marc comme en Matthieu (19, 1-9), la question posée par les Pharisiens sur le divorce est suivie d’un enseignement sur l’attitude à avoir avec les enfants. Peut-être faut-il comprendre à travers ce rapprochement l’intention des évangélistes de mettre en valeur l’importance des liens à l’intérieur de la famille. À cette époque, la halakha – la loi juive – n’était pas encore fixée, la question du divorce comme la pratique du chabbat et d’autres…, faisait l’objet de discussions entre les Pharisiens.

Première lecture : Genèse 2, 18-24

Les premiers récits de la Genèse ne sont pas à prendre au sens littéral. Ils expriment la manière dont les anciens, vers le VIIème s. avant l’ère commune, concevaient l’origine de l’humanité. Après que Dieu a «modelé» (comme Hanoum, le dieu-potier égyptien) les animaux, le premier homme est appelé à leur donner un nom, signe de sa domination sur eux comme de sa connaissance du caractère particulier de chacun (cf. Ps 147, 4).

L’assonance en hébreu entre les mots ich (homme) et icha (femme) manifeste l’égalité comme la proximité entre l’un et l’autre. Toujours en signe d’égalité, la femme est appelée l’ «aide» de l’homme.

Selon la tradition, nous avons là la première déclaration d’amour : Voici l’os de mes os et la chair de ma chair ! C’est aussi le fondement du commandement de l’amour du prochain comme soi-même (Lv 19, 18). La (mitsva) – précepte – de s’attacher à sa femme est à comprendre comme un lien affectif. Il est commandé de l’aimer, elle seule.

Evangile : Marc 10, 2-16

La secte des Pharisiens est alors traversée par des courants divers plus ou moins rigoristes ou permissifs. Leur mise à l’épreuve de Jésus consiste à vouloir lui faire prendre position par rapport à certains, donc à s’opposer à d’autres. Comme à l’accoutumée, Jésus ne tombera pas dans le piège, mais renverra à la Tora. Il est en effet question dans l’Écriture (Dt 24, 1.3) d’une femme qui n’a pas trouvé grâce aux yeux de son mari – sans plus d’explication… L’ambiguïté de l’expression permet des interprétations diverses : Jésus renvoie à la Tora qui interdit l’adultère et insiste sur le risque d’adultère de celui – ou de celle – qui a été renvoyé.

Psaume 127 (128)

Ce psaume célèbre le bonheur de celui qui «craint le Seigneur» c’est-à-dire qui «marche dans ses voies» en observant ses préceptes. Il sera comblé de bénédictions, en particulier de l’attachement à sa femme et de la présence d’enfants. Ce bonheur familial symbolise celui de Jérusalem qui est le bonheur suprême – malheureusement cette partie du verset a été supprimée de la lecture liturgique !

Deuxième lecture : Hébreux 2, 9-11

La lettre aux Hébreux sera lue tous les dimanches jusqu’à la fin de l’année liturgique (33ème dimanche ordinaire) donc sans rapport direct avec les autres textes. On peut pourtant voir dans le passage de ce dimanche un écho de la première lecture puisque l’homme y est glorifié : de la race de Jésus donc destiné à être comme lui couronné de gloire et d’honneur à cause de sa passion et de sa mort.

Conclusion :

Dans le psaume, l’harmonie familiale, l’amour des différents membres les uns pour les autres est une anticipation – pâle, sans doute – de l’harmonie à laquelle l’humanité est appelée dans le monde-à-venir, symbolisé par Jérusalem.

Notes

  • (une aide) face à lui : c’est-à-dire à côté de lui, à égalité, sur laquelle il puisse s’appuyer dans son travail et à qui s’associer (cf. Ml 2, 14 ; Pr 18, 22)
  • S’attacher à sa femme : pour l’aimer elle seule (cf. Gn 34, 3) – s’attacher renvoie d’abord à un lien affectif comme Israël doit être attaché à Dieu : Dt 11, 22 ; 4, 4)

Dans le Premier Testament, il n’est généralement pas dit comment mettre en pratique les préceptes : en Dt 24, 1 par exemple l’expression ne plus trouver grâce à ses yeux demanderait précision.

Ce sera le rôle des générations successives d’actualiser ce qui est dit de manière générale en fonction de l’évolution de la pensée et des mœurs, c’est-à-dire de fixer la Halakha. Jésus s’en tient au principe qui découle de la Tora et ne prend pas la place de ceux qui ont charge de diriger le peuple, les Pharisiens.

Textes parallèles

  •  Gn 1, 27 : Et Dieu créa l’homme à son image… homme et femme il les créa
  •  Gn 2, 24 : C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère s’attache à sa femme…
  •  Mt 5, 31-32 : Tout homme qui répudie sa femme, hormis le cas de « prostitution » l’expose à l’adultère…

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