Fr. L.M. Coudray, directeur du CIRDIC

louis_marie_coudrayPortrait de Catherine Dupeyron du 12 Octobre 2016 sur le site reforme.net.

Frère bénédictin, il est le nouveau directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme (SNRJ) de la Conférence des évêques de France.

C’était en 1977, un dimanche d’automne, Louis-Marie Coudray a dix-huit ans. Après une première année universitaire réussie en droit et en gestion à Paris, le jeune homme, décide d’entrer à l’abbaye bénédictine du Bec-Hellouin en Normandie. Ce jour-là, la vie de Louis-Marie bascule. Bien plus encore qu’il ne l’imagine alors. Il ne sait pas que ce choix va le mener en Terre sainte où il restera 35 ans.

Une famille catholique pratiquante, l’intégration au Bec-Hellouin et 35 années en Israël sont les trois piliers de la personnalité du frère Louis-Marie. « Ma famille ne nourrissait aucun sentiment antisémite mais elle n’avait aucune relation particulière avec le monde juif », précise le frère bénédictin, qui a grandi à Neuilly-sur-Seine et fait toute sa scolarité dans un établissement privé catholique.

Ce monde juif, qui va devenir la trame de sa vie d’adulte, il le découvre, contre toute attente, au Bec-Hellouin. À l’époque, le maître des lieux est Dom Grammont, « une personnalité exceptionnelle, souligne Louis-Marie. Dès les années 30, donc bien avant le concile de Vatican II, il a eu l’intuition de l’importance de la relation entre le monde juif et le monde chrétien. »

Ainsi au Bec, le novice Louis-Marie va apprendre l’hébreu, assister à un office de Kippour dans la synagogue de Rouen et participer à des sessions d’études coanimées par Colette Kessler, cofondatrice du Mouvement juif libéral de France, et par le père Bernard Dupuy, qui est à l’origine du Service national pour les relations avec le judaïsme créé en 1969.

« C’est Dom Grammont, qui, en 1976, décide d’envoyer trois frères en Israël, pour établir une présence cordiale dans le monde juif contemporain », explique Louis-Marie. Ils s’établissent dans l’abbaye croisée d’Abou Gosh, domaine national français depuis 1873. C’est là qu’en 1980 Louis-Marie part faire son service militaire en tant que VSN. Parti pour 18 mois, il y restera 35 ans ! C’est là aussi qu’il prononce ses vœux définitifs en 1982 et qu’il est ordonné prêtre en 1995. C’est là, dans un monastère accolé à une mosquée, situé au cœur d’un village israélien habité par une population totalement musulmane, à l’exception des moines et moniales de l’abbaye, qu’il vit au rythme des cloches et du muezzin. « Abou Gosh m’a façonné », confie-t-il.

C’est donc cet homme-là, qui reprend les rênes du SNRJ succédant ainsi aux pères Dupuy, Dujardin et Desbois. Ce dernier a d’ailleurs suggéré le nom de son successeur à Monseigneur Vincent Jordy, président du Service national pour l’unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme. « Je connaissais peu le frère Louis-Marie. Je me suis donc fié à l’avis du père Desbois et de quelques autres personnes », confie ce dernier avec humilité. Comme son prédécesseur, le frère Louis-Marie n’a pas la langue dans sa poche. Autrement dit, il a quelques convictions bien ancrées et les défend, souvent avec le sourire, voire avec humour, mais toujours avec ténacité. Sa mission est double : expert du judaïsme pour l’Église de France et interlocuteur du monde juif ou plus exactement des « mondes juifs », précise-t-il.

Mais ajoute-t-il aussitôt, cette action «  ne relève pas du dialogue inter religieux », raison pour laquelle, le SNRJ fait partie du Service national pour l’unité des chrétiens, une organisation identique à celle du Vatican. Autrement dit, ce dialogue est de même nature que celui qui existe entre l’Église catholique et les autres branches du christianisme, notamment le protestantisme.

Le frère Louis-Marie est bien outillé pour ce dialogue. « C’est la bonne personne à la bonne place. Il connaît bien les juifs et il les aime », résume Roger Assouline, dentiste des moines et moniales d’Abou Gosh pendant des années. « Et c’est un très bon diplomate, ajoute-t-il. Ce n’est pas un hasard s’il a fait partie de la commission des négociations entre le Vatican et Israël » dans les années 90.

Sans compter que le frère Louis-Marie connaît tous les acteurs du dialogue entre juifs et chrétiens, notamment du fait de son implication depuis 2003 dans l’association française Davar.

Il en est même le président depuis 2014. « Outre l’étude commune des textes, Davar nous offre, pendant une semaine entière, une précieuse expérience de vie commune », souligne le bénédictin.

Autre atout, « le frère Louis-Marie a le contact facile et il a de l’empathie pour les gens », remarque Richard Prasquier, président du Keren Hayessod France, ONG internationale de soutien à Israël et fondateur de la commission du CRIF chargée des relations avec l’Église catholique et le monde chrétien. « À Abou Gosh, deux pères abbés se sont reposés sur lui pour assurer les relations extérieures de la communauté », indique son ami de très longue date, Jean Gueguinou, Ambassadeur de France. Mais, il doit prendre garde à ne pas être trop « mondain ». Cela lui a parfois posé problème au sein de la communauté d’Abou Gosh. »

l’une des craintes de frère Louis-Marie « est de ne pas parvenir à préserver l’équilibre entre vie active et vie monastique ». D’où l’importance de son ancrage au Bec-Hellouin la moitié de la semaine, pour contrebalancer le tourbillon inévitable de la vie parisienne.

Mais les défis ne manquent pas. D’abord, il s’agit d’élargir et de rajeunir les rangs des acteurs du dialogue judéo-chrétien en développant de nouveaux outils et de nouveaux lieux de dialogue. Ensuite, « le contexte est difficile, l’antisémitisme redresse sérieusement la tête depuis une quinzaine d’années, y compris dans l’Église », confie le frère Louis-Marie.

Enfin, il faut impérativement éviter le piège de la politisation des relations entre juifs et chrétiens. « En tant que chrétien, notre relation avec le monde juif est indépendante du conflit israélo-palestinien et il ne faut pas se laisser entraîner sur ce terrain, explique-t-il.

» Cependant, on ne peut pas l’évacuer complètement car la question de la terre d’Israël est inhérente à l’identité juive. Nous n’avons pas le droit d’amputer nos frères juifs d’une partie de leur identité sous prétexte que cela faciliterait les choses. »

Portrait de Catherine Dupeyron du 12 Octobre 2016 sur le site reforme.net.