Jean-Marie Lustiger – Portrait.

Avril 2005. Jean-Marie Lustiger à Birkenau. Wojtek Radwanski, GettyImages

Aaron Lustiger naît à Paris le 17 septembre 1926. Ses parents juifs polonais naturalisés sont arrivés en France en 1918 et tiennent à Paris un magasin de bonneterie. Lors d’un voyage linguistique en Allemagne en 1937, du haut de ses 11 ans, le jeune Aaron prend conscience de la menace nazie. Ses parents ne sont pas pratiquants, mais la découverte d’une Bible protestante dans la bibliothèque familiale et la lecture du Nouveau Testament le bouleverse. Sa conversion est initiée. A la déclaration de la guerre, ses parents l’envoie à Orléans avec sa sœur. Lors de la semaine sainte, dans la cathédrale d’Orléans, l’adolescent ressent comme un appel qui le conduira à recevoir le baptême le 25 août suivant. Bien que très réticents, ses parents acceptent, y voyant surtout l’occasion de sauver leur fils des griffes nazies. Le jeune Aaron ajoute le prénom de Jean-Marie à son patronyme. En 1943, sa mère qui avait été dénoncée et déportée, meurt au camp de concentration d’Auschwitz.

En 1944, Jean-Marie Lustiger entre au séminaire des carmes à Paris. Il sera ordonné prêtre 10 ans plus tard. Jeune curé, il se fait remarquer notamment à la paroisse sainte Jeanne de Chantal par ses homélies qui décoiffent et sa façon toute personnelle de mener une paroise et d’impliquer largement les laïcs.

En 1979, Jean-Paul II le nomme évêque d’Orléans. Début 1981, il succède au cardinal François Marty comme archevêque de Paris. Il sera créé cardinal en 1983 par le pape. Le 23 juin de cette même année, il se rend pour la première fois à Auschwitz sur la « tombe » de sa mère, morte 40 ans plus tôt. Le cardinal marqué à jamais par ces années de souffrance ne parlera que très peu de ces évènements. Mais sans doute, ils contribuèrent à faire de lui un être engagé, qui savait choisir son camp, au risque de déplaire. Ceci lui vaudra quelques inimitiés. Mais comme le dit Michel Kubler de la Croix, le cardinal Lustiger fut « le témoin à la voix haute d’un christianisme d’affirmation: il venait de loin et voyait loin « . En 1995, Le cardinal Lustiger est élu à l’Académie française au fauteuil du cardinal Decourtray. En 2005, il cède la place à Mgr Vingt-Trois. En octobre 2006, l’archevêque émérite de Paris avait écrit aux prêtres et aux diacres de la capitale pour leur faire part de sa « grave maladie ».

  • L’artisan de l’amitié judéo-chrétienne

Devenu selon ses termes une « provocation vivante » depuis son baptême catholique en 1940, que son père avait tenté en 1945 de lui faire abjurer, il fut le principal artisan de l’amitié judéo-chrétienne, même si dans un premier temps il fut violemment rejeté par Jérusalem l’accusant d’avoir trahi « son peuple et sa religion ». Mais fort de la conviction « qu’il n’avait aucunement renié son judaïsme, mais qu’au contraire il l’avait accompli » le cardinal Lustiger ne renonça jamais à ce rapprochement.

Il aura toute sa vie cherché à incarner un trait d’union entre les deux religions. c’est pour cette raison qu’il garda toujours ses deux prénoms Aaron et Jean-Marie. Il joua un rôle déterminant auprès de Jean-Paul II, notamment à l’occasion de la Repentance de l’Eglise catholique sur la Shoah et sur l’antisémitisme, parce qu’il fut un des rares à comprendre l’intuition du pape. Les deux hommes eurent toujours une profonde connivence.

  • Un archevêque extraordinairement communiquant

Le cardinal Lustiger élu à l’Académie française en 1995 aimait rencontrer les artistes, les intellectuels de tous horizons. Mais comme le pape Jean-Paul II dont il était si proche, le cardinal Lustiger avait toujours comme préoccupation la place de l’Eglise dans la société moderne. Archevêque de Paris pendant vingt quatre ans, le cardinal Lustiger a profondément marqué et renouvelé son diocèse. Il consacra ses efforts dans le domaine pastoral avec l’ambition de préparer l’Eglise du XXI ème siècle. Ainsi il s’attacha à développer la formation des prêtres avec la création du séminaire de Paris, mais aussi des laïcs avec le lancement en 1985 de l’Ecole cathédrale.

Cette volonté se manifesta également dans le domaine de la communication, avec Radio Notre-Dame et le lancement de la chaîne KTO. Attentif aux besoins spirituels de ses contemporains, le cardinal Lustiger multiplia les occasions de renouer avec l’eglise en organisant les JMJ en 1997, la messe chrismale géante à Bercy pour le Jubilé de l’an 2000, l’opération « Toussaint 2004 », le congrès européen d’évangélisation en 2005 et enfin l’ouverture d’un centre culturel catholique parisien dans le couvent des Bernardins réhabilité, en plein coeur du quartier latin.

  • L’hommage à Notre-Dame de Paris

Vendredi 10 août 2007. Sur le parvis, devant des personnalités juives et membres de la famille, Jonas Moses Lustiger, arrière-petit-neveu du cardinal, a récité en araméen le kaddish, la prière juive du deuil. Ce geste traditionnel des familles juives, le cardinal l’avait expressément voulu : « Je suis né juif. J’ai reçu le nom de mon grand-père paternel, Aron. Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis demeuré juif comme le demeuraient les Apôtres ». Une messe fut ensuite célébrée en présence de nombreuses personnalités dont le président de la République française.

La célébration fut présidée par Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris, un proche du cardinal Lustiger. Dans son homélie, celui qui avait été son vicaire à Sainte-Jeanne de Chantal (Paris), puis son auxiliaire à Notre-Dame, a insisté sur l’ardeur de sa foi : « Pour ceux qui ont eu la chance de l’approcher et de le connaître personnellement, ce n’est ni son intelligence, ni l’acuité de son esprit, ni l’amplitude de sa culture, toutes réelles qu’elles fussent, qui frappaient d’abord, mais plutôt la vigueur et la force de sa foi. Avant tout, il était un croyant ».

(Source : La Croix) : Lire l’article complet sur le site : croire.lacroix.com